Gérard Lopez Lotus

Nicolas de Tavernost

Le baron Nicolas Abel Bellet de Tavernost de Saint Trivier, issu d’une famille noble du Mâconnais, est surnommé le « parrain » du PAF. Il a dirigé d’une main de fer le groupe M6 de 1987 à 2024.

Dans le monde de l’audiovisuel, Nicolas de Tavernost est réputé pour une caractéristique qu’il adore surjouer, encore et encore : la radinerie. «J’ai horreur de la dépense inutile, ça me rend hystérique», dit-il. Les Girondins de Bordeaux découvriront à leur frais que ce n’est pas une légende.

Tavernost créé des filiales avec des bouts de chandelle et des programmes de seconde zone, il relit les notes de frais, il compresse les marges. « Chaque fin d’année, il explique que tout va mal. Il anticipe les demandes d’augmentations », déclare un collaborateur deM6

Pourtant, en 1999, Jean-Louis Triaud un copain bordelais qu’il s’est fait dans le sillage de Science-Po et des campagnes électorales pour Jacques Chaban-Delmas, lui propose un deal : prendre le contrôle des Girondins de Bordeaux, moyennant une augmentation de capital de 120 millions de francs (approx. 24 millions d’Euros)

Les antennes de Tavernost le malin flairent l’affaire. Canal+ possède le PSG. Canal+ truste le monde du foot. Prendre les Girondins, pour M6, c’est mettre un pied dans le monde du foot. M6 devient donc propriétaire des Girondins en Avril 1999. Le club sera sacré Champion de France 1 mois plus tard.

C’est Jean-Louis Triaud qui est le président exécutif des Girondins, le copain en qui il a toute confiance.
S’en suivra une décennie de rêve pour le club, systématiquement dans le top 5 de la ligue 1, avec en apothéose les participations à la lucrative Champion’s League et un nouveau titre de Champion de France en 2009.

Tavernost est grisé. Les Girondins rapportent de l’argent à leur propriétaire qui va même jusqu’à affirmer « Les Girondins ont vocation à jouer la C1 tous les ans »

Mais les temps ont changé. La gestion paternaliste de Jean-Louis Triaud atteint ses limites. Ce sont les joueurs et les agents qui font la loi, ce n’est plus le vieux lion. Les joueurs qui jouent la C1 veulent des salaires de C1. C’est la fuite en avant, sous la pression des supporters, sous la pression des joueurs, sous la pression de tout le monde. Tavernost va même jusqu’à convaincre Alain Juppé « il faut un nouveau stade à Bordeaux ». Et hop, en quelques mois, on trouve les 220 millions d’Euros pour construire un nouveau stade, dans le quartier du Lac. Qu’importent les procédures et recours, on construit et on verra plus tard.

Le budget s’emballe, mais les résultats sportifs déclinent, la C1 n’est plus qu’un doux rêve. Tout comme ses revenus…

Chaque année, M6 comble le déficit d’exploitation, sans faire de vagues, en toute discrétion. Mais à partir de 2015, les milieux d’affaires bruissent d’une rumeur : les Girondins seraient à vendre. Tavernost dément, tout en reconnaissant des « difficultés ».

Les actionnaires de M6 qui doivent, chaque saison combler le déficit du club s’agacent et s’impatientent. Incapable de retourner la situation budgétaire, Jean-Louis Triaud fait office de fusible et sera évincé en 2017 de la présidence au bénéfice d’un banquier gestionnaire : Stéphane Martin

Pendant ce temps, les affairistes cherchent un repreneur pour le club. Tavernost affirme haut et fort « Nous ne vendrons les Girondins qu’à un acquéreur susceptible de garantir le standing du club sur la durée ». C’est que le baron ménage son image auprès des supporters…
Mais coté backstage, la musique est différente. Plusieurs investisseurs se sont renseignés. Dont un certain Gérard Lopez. Mais il n’ont pas donné suite. C’est que Tavernost et M6 sont très gourmands et veulent avant tout rentrer dans leurs frais. On évoque publiquement un prix de 70 ou 80 millions d’Euros.

En juillet 2018, à la surprise générale, M6 annonce qu’ils sont rentrés en « négociation exclusive » avec le groupe américain GACP de Joseph DaGrosa. GACP est une coquille vide qui pèse moins de 10 millions de dollars et qui n’a aucune expérience dans le foot. Au prix d’emprunts massifs à des taux hallucinants, ils arrivent à réunir la somme exigée par M6.

Le mardi 6 novembre 2018, M6 annonce avoir bouclé la vente du club des Girondins de Bordeaux au fonds d’investissement GACP pour 100 millions d’euros.

Nicolas de Tavernost, en homme d’affaires avisé ne pouvait ignorer que GACP était une coquille vide. Il ne pouvait ignorer que Jo DaGrosa était entouré d’aventuriers. Il ne pouvait ignorer que le montage financier allait exploser. Il ne pouvait ignorer qu’un financement par de la dette à des taux usuraires était une bombe à retardement.

Nicolas de Tavernost n’a pas vendu les Girondins à un acquéreur « garantissant le standing du club sur la durée » mais tout simplement au seul ayant accepté de payer le prix qu’il exigeait, précipitant le club dans une spirale mortifaire.